Interview de Gabriel Jarrosson à Bordeaux Fintech

Guillaume : D’abord on va se présenter. Donc moi je m’appelle Guillaume Eon, j’ai une agence de com audiovisuelle aux Sables-d’Olonne, à Bordeaux et à Paris. Et je suis missionné par Fintech, par Louis de Froissard, pour justement aller à la rencontre de quelques personnes partenaires, intervenants, pour savoir un petit peu quel est leur prisme, pourquoi ils sont là, qui ils sont, qu’est-ce qu’ils représentent comme partie petite ou plus grande de l’économie des Fintech aujourd’hui, voilà.

Gabriel : Super.

Guillaume : Et donc je vais te demander de te présenter : nom, prénom, l’entreprise ou les entreprises, et puis voilà, sous quelle casquette tu interviens.

Gabriel : Super. Donc je m’appelle Gabriel Jarrosson. J’ai été invité à Bordeaux Fintech par Louis, en tant qu’intervenant. Donc je vais intervenir demain dans un panel sur la blockchain et les ICOs, et notamment sur les investisseurs : est-ce qu’ils investissent n’importe où, etc., est-ce qu’ils font n’importe quoi ? On en parlera demain du coup. Mes activités : Donc j’ai deux, enfin j’ai plusieurs casquettes. J’ai donc une chaîne YouTube sur l’investissement à travers laquelle j’anime deux clubs d’investissement, des clubs d’investisseurs qui sont des sortes de syndicats, des équivalents de clubs de business Angels digitalisés. Un sur les startups qui est mon cœur de métier, j’investis dans les startups depuis 2013, donc en tant que business Angel, j’ai commencé tout seul et puis maintenant je le fais avec un pool d’investisseurs. Et d’autre part sur les crypto-monnaies. Donc ce sont deux clubs d’investisseurs distincts qui investissent sur les deux verticales. Et parfois ça se mixe un tout petit peu mais en général c’est vraiment dans des crypto-actifs, dans des tokens d’un côté, et de l’autre côté dans vraiment des parts de sociétés. Et j’ai une deuxième casquette : je suis partenaire d’un petit fonds d’amorçage qui s’appelait Cèdre Participation, qui s’appelle maintenant Cèdre Ventures, puisqu’on monte ensemble le deuxième fonds qui est un petit fonds d’amorçage de la place parisienne.

Guillaume : Question qui n’était pas forcément prévue mais ça me donne l’idée : comment on en vient à être Business Angel ? Est-ce qu’il faut d’abord avoir un gros matelas et de l’argent à ne pas savoir quoi en faire ? Ou savoir placer de l’argent que d’autres seraient prêts à investir ?

Gabriel : Alors ouais, c’est une très très bonne question. Effectivement, moi je suis devenu business Angel relativement tôt, relativement jeune. C’est arrivé parce que j’ai vendu ma première boîte donc ça m’a quand même donné un petit peu d’argent. Mais effectivement je ne l’ai pas vendue des mille et des cents non plus. Et donc en fait je n’avais pas tant d’argent que ça à investir. Ça m’a forcé à faire plusieurs choses. J’ai commencé, pour répondre à ta question, j’ai commencé par investir uniquement mon propre argent. Je ne voulais pas investir l’argent des autres tant que je n’avais pas prouvé quoi que ce soit. Et j’avais d’ailleurs beaucoup de doutes, j’espérais faire au mieux mais je ne savais pas. Donc je n’aurais pas pu prétendre à dire à quelqu’un : « Je vais placer ton argent, regarde, je sais faire », je ne savais pas faire. J’ai commencé par le faire tout seul avec mon argent et puis quand j’ai assez rapidement épuisé le tout petit matelas très fin, la toile que j’avais, eh bien j’ai dû justement réfléchir à devenir un Business Angel pas comme les autres, à ne pas simplement puiser dans mes réserves. Donc premièrement j’ai eu la chance de faire assez rapidement plusieurs exits, ce qui est une des choses qui m’a permis de valider ma compétence et du coup dans un deuxième temps d’investir l’argent des autres cette fois-ci, et puis par ailleurs je suis très fan des business automatisés, et donc je développe depuis des années et des années des business automatisés qui me rapportent de l’argent sans rien faire. Et donc c’est la meilleure rentabilité possible, encore meilleure qu’un investissement. J’ai beaucoup passé de temps à développer ça ce qui me permet derrière d’investir à nouveau cet argent-là.

Guillaume : Est-ce qu’on peut préciser ce que c’est le business automatisé ?

Gabriel : Alors le business automatisé, moi j’ai tiré ça d’un livre assez connu qui s’appelle : « La semaine de quatre heures » de Tim Ferris. J’ai lu ce bouquin à 18 ans, ça m’a mis une énorme claque. Et il parle de ça, il parle de construire son business autour de sa vie, un business au service de notre vie et pas notre vie au service de notre business. Quand on pense entrepreneur, on pense à beaucoup d’entrepreneurs qui travaillent tout le temps, toute la semaine et même le week-end jusqu’à 23h, etc. Ce qui peut être tout à fait le cas et on pense à des gens comme Elon Musk, Mark Zuckerberg, qui ont des ambitions extraordinaires. Mais il y a un type de boîte beaucoup moins connu qui est un business où on passe du temps au départ, c’est notamment possible grâce à internet, aux outils informatiques, etc., et ensuite une fois que c’est en place, eh bien ça tourne tout seul, on n’a plus besoin d’intervenir, et on peut avoir des business qui rapportent comme ça de l’argent tous les mois, qui peuvent être des sommes potentiellement importantes, sans avoir aucune intervention. C’est effectivement beaucoup plus facile aujourd’hui qu’à l’époque. Mais si vous prenez le patron d’un café, si vous rentrez dans un café et que vous demandez à la serveuse : « Je voudrais voir le patron », 9 fois sur 10 elle vous répond : « Il n’est pas là », c’est un business automatisé, il ne travaille pas et pourtant c’est bien lui à la fin qui gagne de l’argent, enfin en tout cas qui gagne les profils du café. Avec internet c’est devenu encore plus facile et c’est notamment donc le concept que Tim Ferris appelle les « muses » dans son livre, voilà.

Guillaume : Ok, bonne inspiration. Pour bien comprendre aujourd’hui sous quelle entité ou quel est, donc c’est Cèdre ?

Gabriel : Cèdre d’un côté, et de l’autre côté ça s’appelle Leonis investissement, qui sont mes deux clubs, qui est aussi le nom de ma chaîne et de mon blog, voilà, Leonis investissement.

Guillaume : Donc sous quel titre es-tu invité à Fintech ?

Gabriel : En tant qu’investisseur, voilà, en tant qu’investisseur. J’ai été invité par Louis qui m’a contacté, je ne sais pas d’ailleurs comment il m’a trouvé, je crois qu’il a entendu parler de moi par un autre investisseur qui a aussi un blog, machin, et donc il m’a appelé en me disant : « Tu es investisseur », je crois, ce qu’il m’a dit au téléphone, c’était au mois de juin quand il m’a appelé, ce qui l’a intéressait c’était le côté blockchain, ICO, qui est assez nouveau. Il n’y a pas beaucoup d’experts, enfin personne n’est expert puisque de toute façon il y a cinq ans ça n’existait même pas. Donc un expert, si c’est quelqu’un qui a 20 ans d’expérience, eh bien il n’y a aucun expert là-dessus. Les gens qui sont les plus expérimentés c’est les gens qui s’y intéressent et qui sont dans ce milieu-là depuis ces dernières années, ce qui est mon cas. Moi, depuis le départ, je suis ingénieur de formation et j’adore les startups, l’entrepreneuriat, j’adore la Fintech. Quand j’investissais que dans les startups, la Fintech c’était déjà ma verticale préférée. Donc quand les crypto-monnaies sont arrivées, tout de suite pour moi c’était une évidence qu’il fallait s’intéresser à ça. J’ai tout de suite vu le potentiel, j’y ai cru, et donc je m’y suis intéressé, et donc je ne prétends pas être un expert en crypto-monnaie, c’est très difficile, très compliqué, mais j’ai un tout petit peu d’expérience maintenant depuis quelques années là-dedans.

Guillaume : Demain, l’intervention portera sur quoi ?

Gabriel : Je n’ai plus le titre exact mais grosso modo c’est les investisseurs qui investissent dans les cryptos et dans les ICOs. Il y aura un journaliste qui va nous interviewer, on sera 5 ou 6 à répondre à différentes questions. Moi je vais répondre à plusieurs questions que j’ai sélectionnées, qui m’ont paru très très intéressantes. Il y a une question sur : faut-il effectivement protéger les investisseurs dans les crypto-monnaies ? Est-ce qu’ils investissent dans n’importe quoi ? Et effectivement c’est une très bonne question, on a vu qu’il y a énormément d’arnaques, et je pense, la réponse que je vais apporter demain qui est mon avis, c’est qu’effectivement aujourd’hui les gens investissent dans n’importe quoi. Ce qui est très dommage, mais on ne peut pas demander à tout le monde d’avoir une éducation financière, c’est normal. Et par contre quand il y a l’appât du gain, tout le monde répond présent. On le voit avec la française des jeux qui est en termes d’investissement un truc pas très malin, mais pourtant tout le monde y va parce qu’il y a l’espoir de. Donc quand on entend ses petits copains avoir gagné je ne sais pas combien avec le Bitcoin, on se dit : « J’y vais aussi ». Donc effectivement, je pense qu’il va falloir protéger les investisseurs, encadrer tout ça, ce qui est en cours et c’est une très bonne chose. Si ce marché se régule, c’est une bonne chose parce que ça le démocratise et ça le donne accessible à plus de monde. Par ailleurs, une autre question à laquelle je vais répondre c’est à propos des security tokens, qui sont des types de tokens qui sont en train d’émerger et qui sont justement des tokens extrêmement intéressants, qui se popularisent, parce qu’intrinsèquement ces tokens-là donnent certains droits aux investisseurs qui sont proches des droits des actions. Une action, en France, c’est réglementé. Quand on est actionnaire, on a le droit de participer à l’assemblée générale, on participe forcément aux dividendes. Si l’actionnaire principal veut se verser des dividendes, eh bien nous aussi petit actionnaires, voilà. Avec les tokens, comme c’était l’eldorado, au départ les gens ont créé n’importe quoi et il y a des gens qui ont créé des tokens en disant : « C’est un token qui ne vous donne aucun droit, battez-vous pour l’acheter ». Et les gens se battaient pour l’acheter parce que c’était le début, qu’on se disait : « Ah c’est extraordinaire, c’est les cryptos », etc. Maintenant on a compris qu’effectivement, il y a beaucoup de gens qui ont compris que ça ne se passait pas comme ça. Ces security tokens ne comportent pas forcément toutes les caractéristiques d’une action mais de plus en plus de caractéristiques d’une action, donc ils sont intéressants parce que justement en tant qu’investisseur on a potentiellement un véritable intérêt derrière. Restera bien sûr encore à chaque fois au cas par cas de voir ce qu’il y a dans chacun de ces security tokens. Ce n’est pas encore régulé, il y aura peut-être une régulation pour les security tokens à l’avenir.

Guillaume : Pourquoi avoir accepté l’invitation, alors du coup à venir à Bordeaux Fintech ?

Gabriel : Très bonne question ! Je ne sais pas. Parce que ça me faisait plaisir. Moi je suis donc pas mal sur internet en vidéo, et donc je trouvais que c’était intéressant. L’événement est filmé, j’aurai à priori accès à la vidéo donc je trouvais ça aussi intéressant. Puis on me demande de plus en plus, à nouveau comme c’est un milieu assez neuf et qu’il y a des gens qui me voient parler sur YouTube, on me demande des interventions, des conférences, etc. A Paris j’en ai déjà donné quelques-unes, pas énormément, et donc c’est aussi un moyen pour moi, en général j’aime bien les mettre sur ma chaîne YouTube, ça en rajoute une à ma collection même si c’est une intervention extrêmement courte. Je trouvais ça aussi sympa de découvrir le salon de Bordeaux Fintech, j’ai eu l’occasion de participer à différents salons d’entrepreneuriat, de Tech, etc., de par le monde. J’ai notamment été assez régulièrement au Web Summit, que j’ai toujours, voilà, c’est un endroit que j’ai adoré. Comme la Fintech est une de mes verticale d’investissement préférées, c’est un salon qui s’appelle Bordeaux Fintech, voilà, je ne pouvais pas manquer ça.

Guillaume : Très bien. Une espérance de trouver quelque chose ? Ou alors, peut-être formulé autrement, ce serait quoi entre guillemets le monde idéal autour des Fintech ? Qu’est-ce que ça peut apporter ? Qu’est-ce que ça peut changer fondamentalement à notre monde quotidien, au monde d’aujourd’hui ?

Gabriel : Qu’est-ce que les Fintech peuvent changer au monde d’aujourd’hui ? Alors à la fois les Fintech c’est un milieu de banquiers, de financiers, de gens qui veulent s’enrichir, prendre des commissions, et de gérer l’argent. Et on a beaucoup parlé, là, ce matin, enfin ce début d’après-midi, de vrais changements sur sauver la planète, etc. Je ne sais pas si la Fintech peut sauver la planète, résoudre le réchauffement climatique, c’est un petit peu plus prosaïque pour les financiers du bas monde comme moi. Cela dit, la Fintech, je pense qu’il a beaucoup beaucoup beaucoup de choses à faire. Il se trouve que j’interagis beaucoup avec les banques, à différents niveaux, avec ma banque privée, j’ai plusieurs banques à titre privé, des néo-banques et des banques traditionnelles. Et puis je suis aujourd’hui à la tête officiellement de quatre ou cinq sociétés qui ont chacune des comptes en banques qui sont dans des banques différentes. Et je dois avouer que dans l’ensemble je suis quand même pas très satisfait des prestations qui me sont proposées, en tout cas pas toujours, et on va dire en tout cas la majorité du temps je ne suis pas satisfait. Il y a des cas où ça se passe très bien, heureusement. Et je pense qu’il y a beaucoup malheureusement de banques qui se reposent trop sur leurs lauriers, et c’était aussi ce qui a été dit en introduction, la conférence d’intro, que la disruption elle vient de l’extérieur et les gens de l’intérieur ils ne la voient pas arriver. Les banques ne voient pas trop arriver la disruption, alors ils la voient quand même un petit peu arriver, ils rachètent un peu à tour de bras des Fintech et des néo-banques. En tout cas, la culture startup ça vient de la Silicon Valley, ça vient d’Amazon, ça vient peut-être de Google, je ne sais pas, c’est la culture du client au centre de toutes les préoccupations et la culture du service client. Et, encore une fois, je ne veux pas attaquer une banque en particulier, et il y a beaucoup de banques qui se passent très bien et beaucoup de personnes dans les banques qui font très bien leur boulot, mais il y a aussi malheureusement trop souvent pas une culture du client, des processus longs, des choses où les clients ne sont pas contents. Et jusqu’à aujourd’hui, les banques pouvaient faire ce qu’elles voulaient parce que :qu’est ce qui va leur arriver ? On aura toujours besoin de banques. Eh bien à défaut de tuer ces banques, et je ne leur souhaite pas du tout ça, au moins ça va les forcer à réagir, à s’améliorer, à se mettre au niveau. Parce qu’effectivement quand on voit des néo-banques, moi je suis par exemple à titre personnel chez Revolut, eux on peut les citer puisque c’est en positif, et à titre professionnel chez Qonto et c’est encore plus chouette parce que c’est des français, et quand on voit la qualité du service client et quand on compare les services, pour avoir fait les anciennes, ça n’a rien à voir. Donc voilà, à mon avis, ce que la Fintech déjà peut apporter c’est nous permettre de gagner du temps. Et moi, comme je pense tout français, le nombre d’heures que j’ai passé au téléphone avec ma banque traditionnelle pour débloquer un truc, un bidule, un virement. Alors particulièrement parce que j’ai beaucoup de banques et que je fais beaucoup d’opérations, etc.,  mais quand même, je trouve ça pas normal. Et encore une fois, ils étaient en toute impunité jusqu’à aujourd’hui, et là j’espère qu’ils vont être obligés de se mettre à niveau.

 

Guillaume : Super, c’est clair, j’ai tout compris. Merci.